Ce ne sont pour l’heure que des résultats
partiels, mais ils sont de mauvais augure. Le National Toxicology
Program (NTP) américain a mis en ligne, jeudi 26 mai au soir, la
première partie d’une
étude
toxicologique de grande ampleur, suggérant un lien entre deux cancers
rares et l’exposition à des radiofréquences de 900 MHz, modulées selon
deux normes de
téléphonie mobile : GSM et CDMA. Les données rendues publiques mettent en avant une
« incidence faible » de gliome cérébral et d’une tumeur très inhabituelle, le schwannome cardiaque, chez les rats mâles ayant été
exposés à ces radiofréquences. Aucun des rats du groupe témoin n’a développé ce type de cancers.
En
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http://www.lemonde.fr/sante/article/2016/05/28/une-etude-americaine-renforce-les-soupcons-d-un-lien-entre-cancers-et-telephonie-mobile_4928063_1651302.html#4aFAqWuVxx9FkYp5.99
Le NTP, un programme de recherche américain associant plusieurs agences publiques, n’a pas lésiné sur les moyens.
« C’est la plus vaste étude de ce type conduite à ce jour sur le sujet »,
dit le toxicologue Christopher Portier, ancien directeur adjoint du
NTP. L’étude, conduite sur deux ans et demi a coûté plus de 20 millions
de dollars. Les groupes d’animaux étudiés comptaient chacun 90
individus, afin de
maximiser
la puissance statistique des résultats. Outre les animaux témoins (non
exposés), certains groupes ont été exposés à des niveaux de rayonnement
de 1,5 Watt par kilogramme (W/kg), d’autres à 3 W/kg et à 6 W/kg. Soit
des niveaux d’exposition supérieurs à ceux des humains : la plupart des
téléphones portables commercialisés ont un débit d’absorption spécifique
(DAS) inférieur à 1 W/kg. En outre, les rats ont été soumis à un niveau
d’exposition considérable. Leur corps entier a été exposé, tout au long
de leur vie, 18 heures par jour, selon un cycle régulier : 10 minutes
d’exposition, suivies de 10 minutes sans exposition, etc.
Effet différencié en fonction du sexe
Pour les deux normes d’émissions testées (GSM et CDMA), les résultats
indiquent une incidence des deux cancers qui croît globalement avec le
niveau de rayonnement reçu par les animaux. La proportionnalité de
l’effet dose-réponse est en particulier claire pour le schwannome. Les
chercheurs du NTP notent d’ailleurs
avoir « une plus grande confiance dans l’association entre radiofréquences et lésions cardiaques, qu’avec les lésions cérébrales ».
Mais, de manière surprenante, seuls les mâles sont touchés. En fonction
du rayonnement reçu, le taux d’animaux développant l’une des deux
pathologies
varie de 1,1 % (un animal sur 90) à 6,6 % (6 animaux sur 90). Les
femelles exposées dans des conditions identiques ne contractent pas ces
maladies…
Cet effet différencié en fonction du sexe est inexpliqué. A ce jour, précise Christopher Portier,
« il
n’existe que des indices très limités de l’existence d’un mécanisme
biologique à même d’expliquer la cancérogénicité des rayonnements non
ionisants ». Les rayonnements ionisants – émis par certains
éléments radioactifs, par exemple – altèrent l’ADN des cellules et
peuvent ainsi
conduire certaines d’entre elles à
devenir cancéreuses. Rien de tel avec les radiofréquences, qui n’ont pas d’impact sur l’ADN…
En dépit de cette absence de mécanisme clair, plusieurs études
épidémiologiques ont suggéré une augmentation d’incidence des gliomes
cérébraux chez les grands utilisateurs de téléphone mobile…. mais
d’autres n’ont pas mis en évidence un tel lien. En 2011, le
Centre international de recherche sur le
cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) chargée d’inventorier et de
classer les agents cancérogènes n’avait ainsi classé les ondes électromagnétiques que parmi les
« cancérogènes possibles » (dit classement « 2B »).
L’ensemble des résultats attendu
L’affaire est donc très débattue mais les résultats préliminaires du NTP, assez inattendus, viennent
apporter
de l’eau au moulin de ceux qui plaident pour plus de précaution.
Toutefois, le NTP précise que ces résultats ne sont que partiels et que
d’autres, actuellement en cours de révision, viendront dans les
prochains mois
compléter et
préciser le tableau. Au CIRC, on préfère
attendre la publication de l’ensemble des résultats du NTP pour apporter des commentaires, mais on précise que
« si cela s’avère nécessaire, en fonction de la nature des données qui seront apportées, le CIRC pourra réévaluer rapidement sa classification des ondes électromagnétiques des radiofréquences ».
Pour M. Portier, les résultats partiels présentés devraient
suffire à ce que
« les pouvoirs publics investissent plus, sans attendre, dans la recherche scientifique sur les impacts sanitaires de ces technologies ». Car même si les effets mis au jour n’étaient que ténus, l’affaire serait importante.
« Vu
l’usage mondial généralisé des appareils de communications mobiles, par
des utilisateurs de tous âges, même une augmentation très faible de
l’incidence d’une maladie résultant d’une exposition aux rayonnements
électromagnétiques pourrait avoir des conséquences importantes pour la
santé publique », notent en effet les chercheurs du NTP dans leur compte-rendu.
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http://www.lemonde.fr/sante/article/2016/05/28/une-etude-americaine-renforce-les-soupcons-d-un-lien-entre-cancers-et-telephonie-mobile_4928063_1651302.html#4aFAqWuVxx9FkYp5.99